L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, publiée au Journal officiel du 26 mars, permet à l’employeur de déroger temporairement aux règles de prise des congés payés pour adapter aux mieux le temps de travail de ses salariés aux besoins de l’entreprise dans ce contexte particulier. Encore faut-il qu’un accord d’entreprise, ou à défaut de branche, l’y autorise. Focus sur les marges de manoeuvre dont il dispose.

Possibilité de déroger aux règles relatives à la prise des congés payés jusqu’au 31 décembre 2020.

L’ordonnance précitée permet à l’employeur d’imposer les congés des salariés dans la limite de 6 jours ouvrables. Toutefois, cette faculté est subordonnée à la conclusion d’un accord d’entreprise, ou à défaut d’un accord de branche. Cette période de congés imposée s’étend jusqu’au 31 décembre 2020.

Rappelons qu’aujourd’hui, selon l’article L. 3141-16 du code du travail, l’employeur définit, après avis le cas échéant du CSE, la période de prise des congés et l’ordre des départs. Il ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départs en congés moins d’un mois avant la date de départ prévue.

L’article 1 de l’ordonnance permet à un accord collectif d’entreprise, ou à défaut de branche, d’autoriser l’employeur à imposer à ses salariés de prendre 6 jours ouvrables de congés payés sans avoir à respecter le délai de prévenance d’un mois ou le délai conventionnel. Ce délai ne pourra pas toutefois être inférieur à un jour franc.

Négocier un accord au niveau de l’entreprise ou, à défaut, de la branche

Ces dérogations ne sont possibles que si elles sont autorisées par un accord d’entreprise, ou à défaut, d’accord de branche. Néanmoins, négocier en période de confinement peut s’avérer difficile. Conscient de cette difficulté, le ministère apporte une souplesse aux modalités de cette négociation (voir le  » Questions-réponses « du ministère du travail, dans sa version du 31 mars 2020).

Le CSE n’a pas à être consulté dans la mesure où la dérogation aux règles relatives à la prise des congés nécessite un accord d’entreprise (C.trav., art. L.2312-14 et art. L.3141-15).

Remarque : selon nous, il serait judicieux d’informer le CSE des décisions prises.

Congés concernés :

  1. Congés non encore posés

L’accord peut autoriser l’employeur à décider de la prise de jours de congés payés « acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris ».

Concrètement, l’accord collectif pourra autoriser l’employeur à imposer à ses salariés de poser 6 jours de congés ouvrables :

– en leur demandant de prendre le solde de leurs congés 2019/2020 (reliquats) ;

Remarque : le salarié qui n’a pas pris son reliquat de congés acquis avant le 31 mai 2020 (avant le 30 avril s’il relève d’une caisse de congés payés) perd son droit et ne peut réclamer aucune indemnité compensatrice à ce titre, sauf s’il s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés du fait de l’employeur. Il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

– en leur demandant de prendre par anticipation leurs « nouveaux » congés acquis pour 2020/2021 (acquis au cours de la période comprise entre le 1er juin 2019 et le 31 mai 2020). En principe, ces congés ne peuvent pas être pris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, c’est-à-dire à compter du 1er mai (1er avril pour les professions relevant de caisses de congés payés).

Exemple : pour un salarié qui n’aurait plus de congés à ce jour, l’employeur pourrait lui imposer de prendre 6 jours ouvrables en avril en puisant dans son « nouveau stock » de congés alors que normalement il n’aurait pu les prendre qu’à partir du 1er mai.

En principe, les dates de congés posées par le salarié et validées par l’employeur ne peuvent être modifiées que dans le délai fixé par accord collectif d’entreprise ou d’établissement (à défaut, par accord de branche)(C. trav., art. L. 3141-15). En l’absence d’un tel délai conventionnel, et sauf circonstances exceptionnelles, l’article L. 3141-16 du code du travail fixe un délai de prévenance à « au moins un mois avant la date de départ prévue ».

Est-ce que la situation actuelle peut être appréciée comme étant « des circonstances exceptionnelles » ? La Ministre du Travail a répondu par l’affirmative dans un « Questions-Réponses » du 9 mars dernier (Q/R. n°25, 9 mars 2020).

Remarque : cette appréciation devra être confirmée par les juges.

En tout état de cause, l’ordonnance précise qu’un accord d’entreprise, ou à défaut un accord de branche, pourra également autoriser l’employeur à déplacer les congés déjà posés, dans la limite de 6 jours ouvrables sans avoir à respecter le délai de prévenance d’un mois. Ce nouveau délai ne pourra pas, toutefois, être inférieur à un jour franc.

Exemple : si un salarié a déjà posé une semaine de congés pour la fin mai, l’employeur pourra les déplacer pour le début du mois d’avril.

Cette période de congés modifiée s’étend jusqu’au 31 décembre 2020.

Période de dérogation

La période de congés imposée ou modifiée en application de l’ordonnance ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020. Cette précision permet d’anticiper une prolongation de la période de confinement mais aussi une adaptation de la prise des congés payés lors de la reprise de l’activité, notamment durant la période estivale.

Nombre de jours de congés payés qui peut être imposé ou modifié

Le nombre de jours de congés payés qui peuvent être imposés par accord est limité à six jours. Il s’agit de 6 ouvrables (ou 5 jours ouvrés) soit une semaine de congés payés, comme le précise le rapport au président de la République.

Ces 6 jours peuvent être imposés de façon continue ou être fractionnés sur des périodes différentes.

Précisons que l’ordonnance indique que le nombre de jours de congés à la disposition de l’employeur est fixé par accord « dans la limite de six jours ». Cette rédaction n’autorise pas les négociateurs à aller au-delà. En revanche, ils peuvent prévoir un nombre de jours inférieur (3 jours par exemple).

Respecter un délai de prévenance pour imposer ou modifier les dates de congés payés

L’employeur peut imposer la prise de congés payés ou modifier les dates de congés déjà posés sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc.

Ce délai d’un jour franc est donc un minimum auquel il ne peut être dérogé. En revanche, les négociateurs peuvent retenir un délai de prévenance plus long.

Possibilité de fractionner les congés

L’employeur peut également, sous réserve d’un accord d’entreprise, ou à défaut de branche, fractionner le congé principal (24 jours) sans obtenir l’accord du salarié.

Rappelons qu’en temps normal, en l’absence d’accord d’entreprise, ou à défaut de branche, le congé principal d’une durée supérieure à 12 ouvrables et au plus égale à 24 jours, peut être fractionné par l’employeur avec l’accord du salarié. Une fraction d’au moins 12 jours ouvrables doit être prise, en continu, entre le 1er mai et le 31 octobre et ce sont les jours, du congé principal, restant dus qui peuvent donner lieu à des jours de congés supplémentaires (C.trav., art. L. 3141-19 et L. 3141-23).

Un accord d’entreprise peut ainsi prévoir que pour l’été 2020, les salariés ne pourront prendre que 12 jours ouvrables consécutifs.

Remarque : à défaut de précision dans l’ordonnance et sauf dispositions conventionnelles contraires, on peut penser que ce fractionnement donne droit aux jours supplémentaires de fractionnement prévus par l’article L. 3141-23 du code du travail.

Des dates de congés différentes pour les couples travaillant dans la même entreprise

L’employeur n’est pas tenu d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS) travaillant dans son entreprise, comme l’exige en principe l’article L. 3141-14 du code du travail.

Cette mesure permet de dissocier les dates « au cas où la présence d’un des deux conjoints seulement est indispensable à l’entreprise, ou si l’un des deux conjoints a épuisé ses droits à congés ».

Marge de manoeuvre de l’employeur en l’absence d’accord collectif

En l’absence d’accord collectif, l’employeur fixe les dates de prise des congés payés en respectant les règles légales ou conventionnelles habituelles :

– fixation des dates au moins 1 mois avant le départ en congé (C.trav., art. L.3141-14 et s.) ;

– sauf circonstances exceptionnelles, impossibilité de modifier des dates de congé déjà posées moins d’un mois avant la date de départ (ou délai conventionnel) (C.trav., art. L.3141-15 et L.3141-16) ;

– impossibilité de fractionner le congé principal sans l’accord du salarié (C.trav., art. L.3141-19).

Congés payés et autres dispositifs d’urgence : quelles articulations ?

Le salarié peut-il demander à son employeur de reporter les congés payés qui coïncident avec une période d’activité partielle ?

Non. Le salarié ne peut pas exiger le report des congés payés déjà posés qui devront donc être pris, y compris s’ils coïncident avec la période de confinement et/ou une période d’activité partielle dans l’entreprise. Le salarié bénéficiera d’une indemnité de congés payés calculée selon les conditions de droit commun, à savoir selon la règle du dixième ou du maintien du salaire.

De même, le salarié déjà en congés au moment de l’activité partielle ne bénéficiera de celle-ci qu’à l’issue de ses congés.

Enfin, précisons selon l’administration, la demande d’indemnisation au titre de l’activité partielle pour des salariés ayant posé des congés payés est frauduleuse et est passible des sanctions prévues en cas de travail illégal. Ces jours ne peuvent pas être pris en charge par l’activité partielle et doivent être rémunérés normalement par l’employeur (Ministère du Travail, Communiqué de presse COVID-19, sanctions contre les fraudes au chômage partiel, 30 mars 2020).

Le salarié en activité partielle acquiert-il des congés payés ?

Oui. L’article R.5122-11 du code du travail prévoit expressément, dans son dernier alinéa, que la totalité des heures chômées est prise en compte pour le calcul de l’acquisition des droits à congés payés. Le salarié acquiert donc des congés payés qu’il s’agisse d’une activité partielle avec :

– fermeture pendant des semaines complètes ;

– ou réduction de l’horaire journalier ou hebdomadaire.

L’arrêt dont bénéficie le salarié pour garder ses enfants du fait de la fermeture de leur école à la suite de l’épidémie, ouvre-t-il droit à congés payés ?

Non. Les arrêts maladie, autres que ceux résultant de maladies professionnelles et accidents dus au travail, n’ouvrent pas droit à des congés payés (L. 3141-5).

Ainsi les périodes d’arrêt de travail pour garder des enfants de moins de 16 ans n’ouvrent pas droit à congés payés (Questions-réponses du ministère du travail, misa à jour au 3 avril 2020). Ces absences ne sont donc pas assimilées à du travail effectif pour l’acquisition de congés payés.

Est-ce à dire que le salarié qui bénéficie de ces congés sera pénalisé en termes de nombre de jours de congés acquis ? Tout dépend de la durée de son absence.

En effet, rappelons qu’en vertu de la règle des équivalences, un mois de travail effectif est équivalent à 4 semaines ou 24 jours de travail (ou moins selon la répartition de l’horaire de travail). En conséquence, un salarié a droit à la totalité de ses congés dès lors qu’il a travaillé 12 fois 4 semaines au cours de la période de référence (C.trav., art. L.3141-4).

Ainsi, un salarié qui a travaillé 48 semaines ou 240, 264 ou 288 jours, selon que l’horaire hebdomadaire de travail est réparti sur 5 jours, 5 jours et demi ou 6 jours, a droit, comme s’il avait travaillé 12 mois, à 30 jours ouvrables de congés.

Concrètement, le salarié qui aura été absent 4 semaines pour garde d’enfants de moins de 16 ans ne sera pas pénalisé (sous réserve qu’il n’ait pas eu d’autres absences pour maladie durant la période d’acquisition des congés payés).

En revanche, le salarié qui aura été absent 8 semaines pendant la période de référence totalisera 44 semaines de travail (52 -8 = 44), équivalent à 11 mois de travail (44semaines/4 semaines = 11 mois). Il aura donc droit à 27, 5 jours de congés, arrondis à 28 jours (11 mois x 2, 5 jours).

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