Adaptation de la prime Macron à la crise sanitaire Covid-19 : explicitations ministérielles
Dans le contexte de l’état d’urgence lié à l’épidémie de Covid-19, les modalités d’application de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (« Prime Macron ») ont été assouplies par ordonnance. Dans un « Questions/réponses » du 17 avril 2020, le ministère du travail revient sur ces assouplissements. Si les explications ministérielles s’entendent en opportunité, certaines peuvent créer une insécurité juridique, le document n’étant pas juridiquement opposable et ne liant pas les Urssaf.
Créée en 2019 pour répondre à la contestation de la rue contre la baisse du pouvoir d’achat et reconduite en 2020,la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat a été aménagée par ordonnance du 1er avril 2020. Ainsi, la condition relative à la mise en oeuvre ou l’existence préalable d’un accord d’intéressement a été supprimée lorsque le montant de la prime n’excède pas 1 000 € (au-delà et jusqu’à un plafond de 2 000 €, la prime est exonérée de charges sociales et défiscalisée uniquement si l’entreprise dispose d’un accord d’intéressement à la date de versement de la prime). Un quatrième critère de modulation du montant de la prime entre bénéficiaires a été ajouté : les conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19. La date limite de versement de la prime a été repoussée au 31 août 2020. Enfin, la condition de présence du bénéficiaire à la date de versement a été assouplie : l’entreprise a désormais le choix entre la date de versement de la prime ou la date de dépôt de l’accord ou de signature de la DUE instituant le dispositif.
Dans un Questions/réponses diffusé sur son site Internet le 17 avril 2020, le ministère du travail explicite tous ces changements. Le document, sans valeur juridique, reprend les réponses apportées par l’instruction ministérielle DSS/5B/5D/2020/11 du 15 janvier en les complétant ou les modifiant au besoin.
Remarque : seuls les ajouts et modifications font l’objet de commentaires. Pour un aperçu de l’ensemble des réponses apportées par l’instruction, se reporter à nos précédents développements sur la prime pouvoir d’achat. Suppression de la condition relative à l’existence préalable d’un accord d’intéressement Si l’entreprise souhaite verser une prime supérieure à 1 000 € par bénéficiaire, elle doit, pour bénéficier des exonérations afférentes à la prime jusqu’à un montant limite de 2 000 €, mettre en place ou disposer d’un accord d’intéressement à la date de versement de la prime. A défaut, la part excédant 1 000 € doit être réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales et dans assujetti à l’impôt sur le revenu (QR n° 7.1). Remarque : auparavant, le non-respect de la condition relative à l’accord d’intéressement était beaucoup plus strictement sanctionné puisqu’il conduisait à la réintégration de l’ensemble des primes dans l’assiette des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu. Rappelons toutefois que ce Questions/réponses ne lie pas les Urssaf. L’accord d’intéressement doit, en principe, être conclu pour 3 ans couvrant la période de versement de la prime (soit du 28 décembre 2019 au 31 août 2020). Mais le législateur a autorisé la conclusion d’accord pour une durée dérogatoire allant de 1 à 3 ans si l’accord est conclu entre le 1er janvier et le 31 août 2020. Dans le Questions/réponses du 17 avril 2020, l’administration précise qu’une entreprise peut conclure un tel accord dérogatoire après le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d’effet sans perdre le bénéfice des régimes social et fiscal de faveur attachés au régime d’intéressement (QR n° 3.4). Exemple : une entreprise dont l’exercice fiscal est l’année civile peut conclure un accord d’intéressement dérogatoire jusqu’au 31 août 2020 pour couvrir l’ensemble de l’année 2020 alors qu’en principe, elle aurait dû le conclure au 30 juin 2020 au plus tard pour pouvoir prétendre aux exonérations. Mais attention ! Cette possibilité n’est offerte qu’aux entreprises qui auraient dû conclure leur accord d’intéressement en 2020 selon les règles de droit commun. Ainsi, une entreprise ayant un exercice fiscal courant du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020 ne peut conclure un tel accord dérogatoire puisque, selon les règles de droit commun, l’accord d’intéressement aurait dû être conclu au plus tard le 31 décembre 2019. Eligibilité des salariés La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat est ouverte :
- aux salariés titulaires d’un contrat de travail à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord collectif ou de signature de la DUE actant le dispositif ;
- aux intérimaires mis à disposition dans une entreprise utilisatrice (à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord ou de signature de la DUE) attribuant la prime à ses salariés ;
- à l’ensemble des personnels relevant d’un établissement public à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord ou de signature de la DUE (salariés, contractuels de droit public ou privé, fonctionnaires…) ;
- aux travailleurs handicapés bénéficiaires d’un contrat de soutien et d’aide à l’emploi à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l’accord ou de signature de la DUE et relevant des ESAT.
Le Questions/réponses ministériel du 17 avril 2020 apporte deux précisions utiles :
- premièrement, l’accord collectif ou la DUE instituant le dispositif doit préciser explicitement la date retenue par l’entreprise ou l’établissement pour déterminer l’éligiblité des bénéficiaires (date de versement de la prime ou date de dépôt de l’accord ou de signature de la DUE) ;
- en second lieu, concernant les intérimaires, la condition de présence définie par l’accord ou la DUE est appréciée au niveau de l’entreprise utilisatrice et non au niveau de l’ETT.
Plus problématique est la précision ministérielle relative aux possibilités d’exclusion de certains salariés (QR n° 1.5). En effet, le législateur et l’instruction ministérielle du 15 janvier 2020 prévoient un seul cas d’exclusion : la prime peut être versée à une partie seulement des salariés et l’accord ou la DUE peut exclure les salariés dont la rémunération est supérieure à un plafond (qui peut différer du plafond d’exonération fixée par la loi, soit 3 smic annuels). Le ministère du travail en prévoit un second en admettant que certains salariés soient exclus du dispositif à raison des conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19. Cette position ministérielle semble contraire à l’esprit de la loi et susceptible de remettre en cause le caractère collectif du dispositif. Pour plus de sécurité juridique, plutôt que d’exclure, mieux vaut utiliser le critère de modulation relatif aux conditions de travail liées à cette épidémie, d’autant qu’il permet bien des choses (v. ci-après).
Remarque : l’administration va même plus loin en indiquant qu’une entreprise peut exclure du versement de la prime les salariés qui n’étaient pas présents pendant la période d’urgence sanitaire, voire même d’exclure de ce versement les télétravailleurs (QR n° 2.6). Elle revient également sur l’interdiction des primes nulles en cas de modulation (v. ci-après). Modulation du montant de la prime Quatre critères de modulation combinables Les critères de modulation autorisés par la loi sont :
- la rémunération ;
- le niveau de qualification ou de classification ;
- les conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19 : la prime peut donc être modulée pour l’ensemble des salariés ayant continué leur activité durant la période d’urgence sanitaire liée à cette épidémie ;
- la durée de présence effective de l’année écoulée, en particulier pour les salariés entrés en cours d’année et, pour les salariés à temps partiel, la durée de travail prévue au contrat.
Ces critères peuvent être combinés entre eux. Ils s’apprécient sur les 12 mois précédant le versement de la prime (peu importe la date de condition de présence du bénéficiaire définie dans l’accord ou la DUE), à l’exception du critère relatif aux conditions de travail liées à la crise sanitaire. Pour ce critère, l’appréciation sur 12 mois des conditions d’octroi de la prime ne s’applique pas (QR n° 2.5). Une précision opportune et logique. Précisions administratives sur le critère de modulation relatif aux conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19 Avec ce nouveau critère, une entreprise peut majorer substantiellement la prime pour l’ensemble des salariés ayant continué leur activité pendant la période d’urgence sanitaire ou seulement pour les personnes ayant été en contact avec le public. Une modulation tenant compte des différences dans les conditions de travail des salariés ayant continué leur activité est également envisageable. Par exemple, une entreprise peut différencier le niveau de la prime des salariés ayant continué leur activité en télétravail de ceux ne pouvant pas recourir au télétravail et devant se rendre sur leur lieu de travail. Autre exemple, l’entreprise peut majorer les primes pour les salariés astreints à se rendre sur leur lieu de travail habituel pendant une large part de la période d’urgence sanitaire, par rapport à celle versée à des salariés ayant subi ces conditions de travail pendant une plus courte période (QR n° 5). Remarque: rappelons que l’administration admet même l’exclusion des télétravailleurs (QR n° 2.6, v. ci-avant). Précisions administratives sur le critère de durée de présence combinée à celui relatif au Covid-19 En principe, les absences pour congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant ou d’adoption, les absences pour congé parental d’éducation (temps plein et temps partiel) et de présence parentale ainsi que les absences de salariés bénéficiant de dons de jours de repos au titre d’un enfant gravement malade doivent être assimilées à des périodes de présence effective. La prime des salariés absents du fait de ces congés ne peut être réduite à raison de cette absence. A ce principe, une exception prévue par l’administration (QR n° 2.4) : la prime des salariés absents du fait de l’un de ces congés peut être réduite à raison de cette absence dans le cas où la prime est également modulée en fonction des conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19. Revirement administratif sur l’interdiction des primes nulles L’instruction ministérielle du 15 janvier 2020 précisait que la modulation ne devait pas aboutir, pour certains salariés, à une prime exceptionnelle égale à zéro, sauf si le salarié n’avait pas été effectivement présent dans l’entreprise durant les 12 mois précédant le versement de la prime ou n’avait perçu aucune rémunération au cours de cette période. L’administration opère, le 17 avril, un revirement sur ce point. La modulation du montant de la prime, notamment en fonction des conditions de travail liés à la crise sanitaire, peut permettre le versement d’un montant compris entre 0 et 1 000 € (porté à 2 000 € en présence d’un accord d’intéressement). L’emploi du terme « notamment » laisse penser que cette latitude n’est pas réservée au critère « covid-19 » mais ouvert aux quatre critères. Remarque : rappelons toutefois que ce Questions/réponses ne lie pas les Urssaf. Versement de la prime en plusieurs échéances La prime peut faire l’objet d’une ou plusieurs avances, pourvu que l’intégralité de la prime soit versée au plus tard le 31 août 2020. Remarque : seules les ETT sont autorisées à verser la prime à leurs intérimaires en mission après la date limite de versement prévue par la loi. Lorsqu’une prime est versée en plusieurs échéances, les critères d’attribution ne peuvent pas, en principe, être définis différemment pour chacune de ces échéances. Toutefois, les entreprises qui ont déjà versé une prime dans les conditions en vigueur avant le 1er avril 2020 peuvent compléter leur versement initial par avenant à l’accord ou à la DUE et cet avenant peut retenir des critères d’attribution de la prime différents pour ce second versement (QR n° 5.3 et 5.4).